Pourquoi les oiseaux ont-ils disparu ?

Autour du fleuve détourné

L’œuvre de Rachid Mimouni, mort à 50 ans en 1995, nous interpelle aujourd’hui encore tant par l’univers fantastique qu’il décrit, l’humour, l’excentricité des personnages de ses romans, que par la distance qu’il a su prendre et qui donne à son œuvre universalisme, acuité et clairvoyance.

De l’époque coloniale, à la vie dans les maquis, puis à l’avènement de la république algérienne et à ses dérives jusqu’à la période noire où l’intégrisme islamique a fait des ravages (et dont il a, comme d’autres, fait les frais), l’immense conteur décortique avec finesse l’histoire d’hier et d’aujourd’hui pour nous la livrer dans sa crudité et sa vérité.

Son exil forcé, l’éloignement d’un pays dont il était fou amoureux, l’ont anéanti. Mais son héritage a une valeur inestimable, particulièrement en cette période de célébration de l’indépendance de l’Algérie.

Œuvres présentées (extraits) :
• Le fleuve détourné
• Le printemps n’en sera que plus beau
• Tombeza
• La malédiction

Rachid Mimouni est un écrivain algérien d’après l’indépendance de son pays, acquise en 1962. Son œuvre comporte une dizaine de livres, principalement des romans écrits pendant la décennie 1980 ; elle se prolonge jusqu’à la mort prématurée qui le frappe en 1995 alors qu’il a 49 ans. Il est l’exemple même d’un écrivain laminé par les circonstances historiques et politiques dans lesquelles il a vécu.
Né en 1945 au sein de la paysannerie pauvre, à 30 km d’Alger, il est pendant la guerre d’Algérie un enfant et un adolescent. Puis Il fait des études supérieures de commerce et les termine au Canada avant de revenir enseigner à Alger, mais en fait sa vocation est littéraire et le pousse à écrire des livres, pour parler de ce qui se passe dans son pays, voire pour le critiquer et le dénoncer sans ménagement.
Moins de vingt ans après la création de l’état national indépendant, il constate l’immense écart entre les glorieuses proclamations officielles et les décevantes voire révoltantes réalités vécues par la population. Le sentiment qui va grandissant en lui est une immense déception.
Pour parler de ce qui est arrivé à la supposée révolution, il emploie une image, celle d’un fleuve détourné de ce qui aurait dû être son cours, d’où le titre de l’un de ses premiers livres « Le fleuve détourné » (1982). Il a publié une grande partie de son œuvre dans les années 1980 (aux éditions Stock) et encore après 1990, malgré le terrorisme islamiste qui provoque de véritables massacres dont il dénonce l’horreur dans un pamphlet intitulé « De la barbarie en général et de l’intégrisme en particulier ».
Menacé de mort et craignant d’être assassiné par les intégristes comme son ami Tahar Djaout (qui le fut le 2 juin 1993) il se réfugie au Maroc avec sa femme et ses trois enfants, et travaille pour des chroniques radiophoniques à Tanger. C’est à Paris qu’il meurt d’une hépatite, victime de ce qu’on a appelé la décennie noire.

Denise Brahimi, universitaire – critique

Du 23 au 24 mars 2023
Théâtre de l'Iris - 331 rue Francis de Pressensé - VILLEURBANNE
Jeudi & vendredi à 20h

Compagnie Leila Soleil

D’après Rachid Mimouni
Montage de textes & conception : Hadda Djaber
Textes dits : Hélène Pierre & Hadda Djaber
La voix de Rachid : Mohamed Brikat
Création musique – violoncelle : Vincent Magnan
Chant : Houria Aïchi
En co-production avec Coup de Soleil Rhône Alpes.